La Parenterie, la maison des parents, expliquait Papa.
Que d’étés passés !
Pas un souvenir en particulier, plein de souvenirs en vrac.
Papa qui fauche lentement les prés autour de la maison. Papa qui aiguise sa faux régulièrement avec sa pierre et de l’eau. L’odeur de l’herbe coupée, de l’herbe qui sèche.
Les cueillettes de mûres, de cynorhodons, les confitures faites dans la petite cuisine qui n’a jamais été pratique. Et croyez-moi, préparer le cynorhodon pour la confiture, ce n’est pas facile, il faut enlever le poil à gratter qui se trouve à l’intérieur ! Et Maman qui secoue la tête en se disant que la confiture de mûre, c’est quand même bien meilleur !
La chambre que Papa m’a faite dans l’ancienne écurie … et la drôle d’idée qu’il a eu de faire la porte dans la cheminée de la pièce qui se trouvait de l’autre côté du mur. Pour aller à ma chambre, nous passions par la cheminée !
Notre joie de passer par cette porte secrète !
Et Maman qui secouait la tête en se demandant ce que Papa allait nous sortir comme idée saugrenue la prochaine fois.
Et les tomates qui ont poussé dans le champs à côté des toilettes … des tomates qui provenaient donc directement de … eh oui…
Et tous les travaux, ma chambre, le garage, les murets… Tous ces travaux avec l’odeur de ciment qui remontent à la mémoire. Le ciment, le sable, l’eau, la truelle qui rape le fond de la brouette… l’odeur surtout, le bruit de la truelle aussi.
Et nos balades en vélo avec mes frères, toutes les balades dans le chemin creux et caillouteux à souhait. Des balades, des courses jusqu’à la cabane noire, une cabane bouffée par le lierre, qui ne tenait que grâce à lui.
Et la pêche à l’étang, les carpes que nous pêchions, que nous remettions à l’eau ou bien que nous mangions avec un beurre blanc, il fallait bien ça pour apprécier ces carpes pleines d’arrêtes !
Et Albert avec les hameçons. Surtout celui qu’il s’était enfoncé dans le doigt ou je ne sais plus où.
Le miracle que jamais une vipère nous ait mordus alors que nous courions dans les grands herbes plus folles encore que nous ou lorsque nous montions sur le grand rocher.
Et plein d’autres souvenirs encore.
Un Papa un peu hors norme, qui pensait dans tous les sens. Un Papa qui nous parlait, dès tout petit, de Galilée et comment cet homme avait été condamné pour avoir pensé différemment.
Une maison en pleine nature.
Des petits bonheurs, des joies pétillantes, des choses simples, qui sont si importantes et que nos parents ont toujours su mettre en valeur.
Ce qui m’a fait grandir, nous a fait grandir, ce sont ces choses, ces joies simples, sans importance mais qui font toute la différence.
Nous avons tous des souvenirs joyeux, drôles, pétillants, tendres….
Chacun de nous, enfant, s’est fabriqué ses souvenirs et nous devons en prendre soin, les chérir, car ils contribuent à ce que nous sommes. Et nous devons aussi veiller à continuer de nous fabriquer de jolis souvenirs pour qu’ils contribuent à notre avenir.
Veillez à fabriquer des souvenirs à vos enfants, des pique-niques même si il pleut, des fous rires à faire pipi dans sa culotte, des dinettes au coin du feu, et surtout, surtout, des portes dans la cheminée !
Aline de Pétigny


Autrice, illustratrice, co-fondatrice de Pourpenser Editions, http://www.pourpenser.fr
